Le spectacle
D’un côté il y a les Sibylles de Roland de Lassus : c’est un manège à sensation, on a l’impression d’être en ligne droite et d’un coup il y a un virage inattendu. Et en même temps on est en sécurité car c’est une musique modale, faite d’accords très simples : ce qui crée la fascination et la secousse, c’est la manière dont ils sont juxtaposés. Chacune de ces Sibylles est une petite peinture mystérieuse, une miniature dont il faut comprendre la particularité pour faire ressortir toute la couleur. De l’autre côté, avec les chants byzantins, on est à Sainte-Sophie, c’est moins charnel mais plus vaste, plus mystique. Il y a de longues phrases qui se déploient dans l’espace et qui nous font entrer dans une forme de contemplation spirituelle, presque de transe. Avec O Sidéra, ces deux univers, occidental et oriental, s’entremêlent. On est dans le balancement entre la surprise, le saisissement et la contemplation : c’est un voyage hypnotique, on boucle sa ceinture et on part.
La compagnie
L’ensemble Irini impose aujourd’hui un son à part dans la musique ancienne : en effectif polymorphe, sans soprano, l’ensemble illumine pourtant le répertoire orthodoxe ou les compositions de la Renaissance de couleurs nouvelles, chaudes et profondes. De Maria Nostra (2015) à Printemps Sacré, vivre, mourir, (re)naître (2022) en passant par O Sidera (2018), Irini ouvre dans ses programmes des dialogues entre l’Orient et l’Occident sacrés, entre la sagesse d’hier et les bouleversements d’aujourd’hui, fidèle en cela à son nom qui signifie “la Paix” en grec. Si l’ensemble est aujourd’hui invité à la Philharmonie de Paris et soutenu par la Fondation Société Générale, c’est grâce à l’énergie passionnée de sa directrice, Lila Hajosi. D’abord chanteuse et puis cheffe de l’ensemble, Lila Hajosi parvient à incarner ses réflexions musicologiques et esthétiques dans des concerts fascinants, qui nous emportent presque malgré nous.